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[Fact-checking] Le Brexit a-t-il gravement nui à l’économie du Royaume-Uni ?

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Une majorité de Britanniques considèrent désormais que le Brexit fut une erreur - Crédits : melis82 / iStock
Selon une enquête de l’institut de sondages YouGov, 55 % des Britanniques considéraient fin mars 2024 que le Brexit fut une erreur - Crédits : melis82 / iStock

“Take back control” (“reprendre le contrôle”), tel était le slogan des Brexiters, les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, lors de la campagne électorale pour le référendum britannique sur le Brexit en 2016. Une promesse de souveraineté retrouvée, de contrôle des frontières et de prospérité.

D’un point de vue économique, la sortie de l’UE devait signifier la fin de la contribution au budget européen. Et donc plus d’argent pour le Royaume-Uni et plus de liberté dans sa gestion. Sept ans plus tard, à la mi-2023, le pays est entré en récession. Les promesses de prospérité ont fait long feu… La faute au Brexit ?

Le Brexit, un choc à encaisser pour l’économie britannique

Dès la victoire du “Leave” (quitter) le 23 juin 2016, les premières conséquences économiques du Brexit se font ressentir. Car les marchés financiers anticipent un impact négatif de la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Très vite, la livre sterling se déprécie de 7 % par rapport à l’euro. Alors que le pays est encore loin d’avoir quitté l’UE, l’incertitude liée à l’issue des négociations sur la nouvelle relation entre Londres et Bruxelles provoque une chute significative de l’investissement outre-Manche.

Une étude réalisée en 2019 par six économistes des universités de Stanford, de Nottingham, de la London School of Economics et de la Banque d’Angleterre estime le recul des investissements causé par l’anticipation du Brexit à 11 %. Etant donné les forts liens unissant le Royaume-Uni à l’UE, qui est son premier partenaire commercial, de nombreux travaux d’économistes ont prédit un impact négatif du Brexit sur le PIB du pays. Dans une note confidentielle révélée par la presse en 2018, le Trésor britannique évaluait par exemple la perte de croissance outre-Manche de 2 à 8 % dans les 15 années suivant la sortie de l’UE.

Celle-ci s’est déroulée en deux temps, avec le retrait de l’UE le 31 janvier 2020, puis de son marché unique le 31 décembre 2020. Selon les termes de l’accord de commerce et de coopération entre Londres et Bruxelles, les deux parties continuent leurs échanges sans droits de douane ni quotas. Mais de nombreuses formalités administratives et contrôles douaniers, inexistants auparavant, font leur apparition. Ce qui complique significativement le commerce.

Dans les semaines qui ont suivi la sortie du marché unique, des pénuries de fruits et légumes frais, importés depuis le continent, ont été constatées dans les supermarchés britanniques. En cause, les difficultés d’acheminement dues aux nouveaux obstacles commerciaux liés au Brexit. La fin de la libre circulation avec les autres pays européens impacte également la distribution d’essence ou aggrave encore la pénurie de médecins.

Une économie encore fragile

Pour les partisans du Brexit, ces problèmes ne sont que temporaires, cantonnés à une nécessaire adaptation à la nouvelle donne réglementaire. Rapidement, la pandémie de Covid-19, puis la guerre en Ukraine provoquent un choc économique qui affecte lourdement les économies européennes, dans et hors de l’UE, avec une forte inflation et un ralentissement de la croissance. Dès lors, difficile au Royaume-Uni de séparer l’impact de ces phénomènes mondiaux de celui du Brexit. A partir de la mi-2023, le pays enchaîne deux trimestres consécutifs de croissance négative, ce qui le fait entrer en récession technique.

Sur l’ensemble de l’année 2023, la croissance n’aura atteint que 0,1 %. Un chiffre plus faible que dans la zone euro, à 0,5 % de croissance en 2023. Au niveau national, les “grands” pays d’Europe de l’Ouest font tous mieux que le Royaume-Uni : 0,9 % en France, 0,6 % en Italie, 2,5 % en Espagne… à l’exception notable de l’Allemagne, qui fait pire avec -0,3 % de PIB. Depuis le début de l’année 2024, le Royaume-Uni semble reprendre le chemin d’une faible croissance, avec une augmentation du PIB de 0,2 % en janvier et de 0,1 % en février, selon l’Office for National Statistics, l’équivalent britannique de l’Insee.

D’après la banque Goldman Sachs, qui a fait paraître une étude le 12 février 2024, le PIB britannique a perdu 5 % depuis 2016 en raison du Brexit. Mais d’autres économistes sont plus nuancés, comme le rapporte Le Monde, et évaluent plutôt cette perte pour l’économie britannique à 2 ou 3 % de PIB.

Quoi qu’il en soit, la fluidité des échanges et la confiance des investisseurs ont pâti du Brexit. Selon le Brexit Uncertainty Index, un outil de mesure de l’incertitude liée au Brexit mis en place en 2016 par la Banque d’Angleterre au Royaume-Uni, plus d’un répondant sur quatre plaçait encore la sortie de l’UE comme l’une de ses trois plus grandes causes d’incertitude en mai 2023. Un sentiment guère favorable au dynamisme d’une économie.

L’opinion publique britannique de plus en plus hostile au Brexit

Si l’impact réel du Brexit sur l’économie britannique est difficile à évaluer, les Britanniques sont quant à eux de plus en plus nombreux à considérer que quitter l’UE fut une erreur. Le 23 juin 2016, ils étaient déjà 48,11 % à vouloir rester dans l’Union. Ils étaient même majoritaires en Irlande du Nord (55,8 %) et en Ecosse (62 %).

Aujourd’hui, la part de Britanniques réfractaires au Brexit semble prendre durablement le dessus. Entre janvier 2020 et mars 2024, l’institut de sondages YouGov a par exemple réalisé une enquête avec pour question “Avec le recul, pensez-vous que la Grande-Bretagne a eu raison ou tort de voter en faveur de la sortie de l’Union européenne ?”. Dès le 26 janvier 2020, 40 % pensaient que le pays avait eu raison quand 47 % considéraient le contraire (13 % ne savaient pas). Puis les partisans de la sortie de l’UE ont repris l’avantage dans le sondage… jusqu’en mars 2021, période à partir de laquelle les deux courbes se sont durablement éloignées. Le 27 mars 2024, 55 % des sondés estimaient que le Brexit était une erreur, contre seulement 34 % déclarant qu’il s’agissait d’une bonne décision.

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